L’EGO est sur toutes les lèvres mais de quoi parlons-nous exactement ? amour-propre, fierté, domination, égoïsme ? Quel est le bon dosage ? Les guerres d’ego existent-elles ? Sont-elles utiles dans l’entreprise ou au contraire contre-productives ? De la littérature existe sur le sujet, souvent à charge. Nous allons tenter d’y voir plus clair sur ce sujet complexe et controversé.
Le concept :
Ego, de quoi parlons-nous ?
L’ego, dans sa définition première, désigne la représentation et la conscience que l’on a de soi-même. Il est considéré soit comme le fondement de la personnalité (notamment en psychologie) soit comme une entrave à notre développement personnel (notamment en spiritualité).
L’ego, en tant que sentiment du moi ou du je, peut être mal perçu, parce qu’il fait penser à l’égocentrisme voire à l’égoïsme, à l’opposé de l’altruisme.
On entend parfois parler d’ego surdimensionné : on traduit alors quelqu’un qui se prend pour une personne plus importante et valeureuse que les autres, qui ramène tout à elle, quitte éventuellement à se montrer égoïste et à utiliser les autres à son profit…
Les femmes ont-elles moins d’ego que les hommes ? Il semblerait que oui même si la généralisation est risquée… Selon les neuroscientifiques, les écarts résulteraient d’un conditionnement précoce des jeunes filles, chez qui les comportements prosociaux sont largement valorisés dès le plus jeune âge. Le circuit de la récompense entrerait en activité dès que la femme fait ce qui est attendu d’elle, à savoir coopération et générosité. Et celui des hommes ferait de même lorsque la mission prescrite par la société serait atteinte, à savoir se montrer compétitif. De là à expliquer les écarts dans les entreprises…
Certains ont même dit que si « La banque Lehman Brothers » s’était appelée « Lehman sisters », nous n’aurions pas assisté au désastre de 2008…
Bien comprendre les enjeux :
L’ego est-il profitable pour l’entreprise ou au contraire contre-productif ? Sans doute les deux… Profitable parce qu’il pousse la personne dans la performance et à atteindre les premières places. Ils et elles ne ménagent pas leurs efforts pour arriver en pole position, poussés par la testostérone, hormone du pouvoir et par un ego qui exige d’être nourri. Les mâles alpha tels que décrits dans les meutes de loups illustrent ces comportements :
Dans les études sur les animaux sociaux, le mâle le plus haut placé est désigné comme l’alpha. Selon l’espèce, les mâles, les femelles ou les deux peuvent être des alphas. Les animaux alpha bénéficient généralement d’un accès préférentiel à la nourriture, bien que l’étendue de cet accès varie considérablement d’une espèce à l’autre. Les alphas peuvent atteindre leur statut par une force physique et une agressivité supérieures, ou par des efforts sociaux et la création d’alliances au sein du groupe. L’individu ayant le statut d’alpha change parfois, souvent à la suite d’un combat entre l’animal dominant et un animal subordonné. Ces combats sont souvent à mort.
Si l’ego pousse vers l’excellence, il peut aussi être un piège dangereux. Il peut pousser la personne vers un sentiment d’impunité qui lui fait perdre sa clairvoyance. Combien sont tombés dans des chausse-trappes suite au syndrome d’hubris ? En voici quelques caractéristiques :
- Une confiance excessive en son propre jugement et un mépris pour les conseils et les critiques d’autrui.
- Une inclinaison narcissique à voir le monde comme une arène où exercer son pouvoir et rechercher la gloire.
- Un attrait démesuré pour l’image et l’apparence, ainsi qu’une prédisposition à engager des actions susceptibles d’embellir son image.
- Une perte de contact avec la réalité, souvent associée à un isolement progressif.
- Une tendance à accorder trop d’importance à sa vision, à ses choix, ce qui évite de prendre en considération les aspects pratiques ou d’évaluer les coûts et les conséquences.
- La croyance qu’au lieu d’être responsable devant l’opinion publique ou ses collègues, le seul tribunal auquel il devra répondre sera celui de l’histoire.
En somme, l’image idéalisée que ces individus se font d’eux-mêmes, associée au refus des signaux leur envoyant une image contradictoire, les coupent de la réalité et anéantissent tout sens de la nuance et de l’écoute.
Tout est question de dosage donc, de l’ego oui pour pousser vers l’excellence mais sans perdre sa clairvoyance et le besoin que nous avons d’utiliser et valoriser les talents qui nous entourent car l’intelligence collective sera toujours plus productive que l’intelligence aussi puissante soit-elle d’une seule personne.
Et en pratique :
Dans l’entreprise, vous ne trouverez pas pire ennemi que celui dont on a blessé l’ego. C’est une blessure narcissique qu’il s’emploiera à vous faire payer d’une manière ou d’une autre.
Dans son livre remarquable « la part de l’autre », Eric-Emmanuel Schmitt s’essaye à l’exercice : recalé le 8 octobre 1908 par d’intransigeants censeurs de l’École des Beaux-Arts de Vienne, le candidat Adolf Hitler va s’acheminer vers une existence pétrie de ressentiment, de refus de compassion mâtiné d’une folle soif du pouvoir. Chacun en connaît les conséquences historiques. Mais que se serait-il passé, qu’aurait-il donc pu advenir, si au contraire Hitler avait été reçu aux Beaux-Arts comme apprenti peintre méritant ? À partir de cette question, de cette infime possibilité, bascule l’Histoire dans son entier.
Et dans les entreprises ?
Plus proche de nous, les égos blessés n’auront de cesse de ralentir l’entreprise et de mener la vie dure aux managers.
Contre-productives également les guerres d’ego ou guerres de territoires observées dans les entreprises : on perd parfois de vue l’intérêt collectif au profit de l’intérêt individuel. Ces guerres épuisent les équipes, créent des fonctionnements en silos et vont à l’encontre de la productivité. On rend coup pour coup, plus préoccupés de son territoire que de la finalité de sa mission.
Plus communément, l’ego devient gênant et contre-productif quand il pousse la personne à exister à tout prix. Cela peut conduire à de la perte de temps et d’énergie pour ménager les egos sensibles, ne pas les oublier dans les invitations, respecter leurs statuts. Un ego mu par l’insécurité peut surréagir, se mettre en colère, exiger que son nom apparaisse, s’approprier la parole ou des idées. Autant d’irritants qui ne favorisent pas la fluidité dans une organisation.
Quelle différence entre ego et estime de soi ?
Quelqu’un doté d’un ego fort s’inquiétera toujours pour lui-même, et peu pour les autres. Il a besoin d’être le centre d’attention, d’attirer tous les regards.
En revanche, une personne ayant une bonne estime de soi s’inquiète pour elle-même, mais également pour les autres. Elle sait écouter et ne cherche pas à être le centre d’attention. Une personne ayant une bonne estime de soi sait très bien ce qu’est l’empathie et crée des interactions plus positives.
Le coin de Coach&Progress
Pour dénouer ces situations et retrouver de la sérénité en entreprise, quelques outils apportent des réponses intéressantes.
- Le test 360° permet au manager de confronter sa vision avec celle de ses collaborateurs. Une prise de conscience peut en découler et faire évoluer les comportements
- Un travail sur l’estime de soi peut apaiser un ego irrité mu par l’insécurité ou le sentiment d’être ignoré
- La systémie ensuite analyse un ensemble d’éléments en interaction les uns avec les autres. Ces éléments s’influencent et échangent de l’information. Ils s’organisent et développent des règles de fonctionnement singulières et plus ou moins conscientes. Parfois, ces règles créent des difficultés, des blocages et ne permettent plus au système d’atteindre ses objectifs ou de se développer comme il le souhaite.
Ces éléments factuels libèrent les organisations des egos individuels et apportent de nouvelles solutions pragmatiques pour conduire l’entreprise vers plus d’efficacité.
Bibliographie :
La part de l’autre, Eric-Emmanuel Schmitt
Le pouvoir rend-il fou ?, Erwan Deweze
L’ego est l’ennemi, Ryan Holiday